Ce couple vaudois a eu un bon réflexe. Comme seulement 1% des locataires de nouveaux baux, il a contesté, en 2017, le loyer initial de son quatre pièces et demi et a réussi à le faire baisser de 2190 fr. à 900 fr. par mois. La raison invoquée? Un rendement abusif. Mais le propriétaire a bataillé jusqu’au Tribunal fédéral. Contre toute attente, les juges ont accepté de revoir les bases de calcul permettant de déterminer le rendement admissible, valables pourtant depuis trente-quatre ans. Finalement, le logement a été réévalué à 1390 fr., soit 800 fr. de moins que le loyer initialement prévu, tout de même!
Depuis le 26 octobre 2020, c’est donc ces nouvelles règles qui s’appliquent. Concrètement, elles sont moins favorables aux locataires, mais ne les empêchent en aucun cas de revendiquer le juste prix d’une location. Nous avons établi une série de questions-réponses qui vous permettront de savoir si vous avez droit à une baisse de loyer et comment la demander.
Dans quelles circonstances peut-on se prévaloir d’un rendement abusif?
A l’entrée, lorsque le loyer initial est contesté, pour le fixer au plus juste. Mais l’immeuble doit avoir été acquis il y a moins de trente ans.
En cours de bail, augmenter ou diminuer le loyer pour cause de rendement abusif n’est pas permis, sauf cas exceptionnels. Mais le locataire peut s’en prévaloir pour contrer une augmentation, par exemple due à des travaux. De son côté, le bailleur peut s’opposer à une demande de baisse liée au taux hypothécaire s’il démontre que son rendement est insuffisant. Dans tous les cas, il doit collaborer et produire toutes les pièces nécessaires aux calculs.
Faut-il craindre des hausses massives de loyer?
Probablement non, tant les loyers sont, pour l’heure, majoritairement surévalués, avant tout fondés sur les prix du marché et rarement remis en cause lors de changement de locataires. Selon une étude de la Banque Raiffeisen publiée en 2017, les logements seraient 40% moins chers s’ils avaient été adaptés à l’évolution du taux de référence. Or, cela n’a pas été le cas, alors que, depuis 1992, il a dégringolé de 7% à 1,25%.
Est-il toujours intéressant de contester le loyer initial?
Oui, et la démarche est le plus souvent gagnante. Pierre Stastny, avocat et juriste conseil à l’Asloca Genève est catégorique: «Les locataires doivent contester leur loyer initial! Dans les régions à pénurie, les prix ne sont pas basés sur les coûts, ils sont basés sur le marché. Et, partout où il y a un boom économique, il y a des loyers chers, qui apportent aux propriétaires des rendements très élevés.»
Pourra-t-on toujours demander une diminution de loyer si le taux hypothécaire baisse?
Oui. Comme indiqué plus haut, le calcul du rendement n’est le plus souvent autorisé qu’au début du contrat, lorsque le locataire conteste le loyer initial. Les variations en cours de bail liées à la baisse des taux ne sont pas concernées et les calculs restent les mêmes. Le bailleur peut, certes, s’opposer à une baisse s’il réussit à démontrer que son rendement est insuffisant, mais il ne pourra pas en profiter pour augmenter le loyer au passage.
Les locataires qui demandent une baisse risquent-ils un congé?
Non. Les résiliations brandies parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions légitimes sont annulables. De plus, la loi lui accorde une protection accrue s’il s’est adressé aux autorités pour obtenir gain de cause, y compris pendant les trois ans qui suivent la fin du procès. En outre, les procédures en Commission de conciliation sont gratuites, et le resteront. Et, s’il faut aller plus loin, l’accès au Tribunal des baux est aussi gratuit dans les cantons de Vaud, de Fribourg et de Genève.
Silvia Diaz
Zoom: Qu’est ce qui a changé avec la récente décision du Tribunal fédéral?
Le loyer doit permettre au bailleur de couvrir ses frais, mais également lui procurer un bénéfice annuel sur les fonds qu’il a investis de sa poche en achetant un immeuble. Le pourcentage de rendement autorisé correspondait jusqu’à présent au taux hypothécaire de référence, majoré de 0,5%. Avec ce nouvel arrêt, c’est maintenant 2% de plus que le taux du jour, tant que ce dernier est égal ou inférieur à 2%.
Le taux de référence est tombé à 1,25% depuis mars 2020. Les loyers peuvent donc rapporter 3,25% (1,25%+ 2%) contre 1,75% (1,25%+0,5%) jusqu’alors.
En pratique: Deux possibilités pour faire baisser son loyer
En cours de bail
Les loyers suivent l’évolution du taux hypothécaire de référence. Cet indice est le même pour toute la Suisse. Il est publié tous les trimestres par l’Office fédéral du logement. Une diminution est donc possible lorsque le taux baisse. Mais cette adaptation n’est ni automatique ni rétroactive: il faut la demander. Marche à suivre:
➛ Vérifier si le taux a baissé depuis la conclusion du bail ou la dernière fixation du loyer et le montant éventuel de la baisse sur notre site bonasavoir.ch ➛ outils et calculateurs ➛ «avez-vous droit à une baisse de loyer».
➛ Envoyer au bailleur un courrier recommandé signé par tous les titulaires du contrat. Attention: il faut respecter le préavis et l’échéance contractuels. Exemple: si le bail se renouvelle d’année en année au 1er avril, moyennant un préavis de quatre mois, la demande doit parvenir au bailleur au plus tard le 30 novembre qui précède pour une entrée en vigueur au 1er avril.
➛ Le bailleur doit répondre dans les trente jours. Si la réponse est négative, il faut envoyer une requête à la Commission de conciliation en matière de bail à loyer dans un délai de trente jours dès la réponse négative. S’il n’y a pas de réponse du tout, le délai pour agir est de soixante jours dès la demande.
Lettres types et modèles de requête à la commission sur notre site
à la signature du contrat
Il est possible de contester le loyer initial. Il y a chaque année près de 400 000 déménagements en Suisse, mais seule une toute petite minorité de locataires s’opposent aux hausses ou exigent un calcul de rendement. La démarche est pourtant possible dans toutes les régions où sévit la pénurie. Dans ces cantons (Vaud, Genève, Fribourg, Neuchâtel), la formule officielle de fixation du loyer au changement de locataire indiquant l’ancien prix et les voies de recours y est même obligatoire.
Dans les autres, une augmentation de 10% ou un bail conclu par nécessité personnelle ou familiale suffit pour ouvrir la voie. Le locataire peut, sur demande, savoir combien payait son prédécesseur. Et selancer au besoin.
Pour contester le loyer initial, il est impératif d’adresser une requête à la Commission de conciliation compétente selon le lieu où l’immeuble est situé. Le délai est de trente jours dès la remise des clés.
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Notre «Guide pratique du locataire» sera réédité en mars 2021.