Avec les stations self-check-out (SCO), «faire la queue à la caisse, c’est terminé», claironnent Coop et Migros sur leurs sites internet. Pure vantardise? Pas tant que cela, selon l’enquête que nous avons menée chronomètre en main (lire encadré). Jugez-en plutôt: nos résultats révèlent un temps d’attente moyen de 2 minutes 8 secondes aux caisses contre 16 secondes seulement devant les stations SCO. Et encore, il s’agit de moyennes! En fait, dans près de 70% des cas (33 passages sur 48), nous avons pu accéder immédiatement à une borne self-checkout, alors que cela ne s’est produit qu’à deux reprises aux caisses (4,2%).
Peu d’exceptions
Les clients pressés s’en réjouiront: on peut désormais faire quelques emplettes très rapidement, même aux heures de pointe, chez les deux géants orange pour autant qu’on soit disposé à scanner soi-même ses achats et que le nombre d’articles reste limité.
Il y a parfois des exceptions: à trois reprises (6,25% des cas), nos enquêteurs ont mis plus de temps pour accéder à une borne SCO qu’à une caisse. Cela dit, les chronos sont restés très raisonnables: sur les huit fois où nous avons dû patienter en libre-service, la durée n’a dépassé les deux minutes (2’27’’) qu’à une seule occasion. En revanche, devant les tapis roulants, la file a duré plus de 4 minutes à dix reprises avec un pic à 5’59’’. On soulignera aussi que nous avons constaté des différences entre les deux distributeurs. Ainsi, nous avons attendu, en moyenne, bien moins longtemps et beaucoup moins souvent aux bornes libre-service de Migros
(1,4 s/ deux fois) qu’à celles de Coop (31 s/ 13 fois). En revanche, les files aux caisses étaient plus longues: 2’48’’ contre 1’28’’. Le nombre restreint de filiales visitées nous interdit toutefois d’en tirer des conclusions trop catégoriques.
Pour les petits achats
L’introduction des stations self-checkout procure un gain indéniable en matière d’attente pour les clients. Mais il faut se souvenir qu’une partie du temps économisé à ce moment sera sans doute perdue, ensuite, lorsque le client effectue lui-même les opérations de scanning et le paiement. Au passage, on pourrait regretter aussi que le système Subito de Migros n’accepte pas l’argent liquide, ce qui est le cas pour son rival Passabene, qui ingurgite même les pièces de 5 ct.
Il faut rappeler aussi que le self-checkout a été conçu pour les clients ayant de petites emplettes. Avec un caddie plein, l’opération est fastidieuse. Dans ce cas, il est alors plus judicieux d’opter pour la voie traditionnelle ou le self-scanning, qui consiste à scanner les articles au fur et à mesure que l’on fait ses courses.
Et l’emploi dans tout ça?
Les détracteurs du libre-service avanceront que ce système se fait au détriment du personnel. Les deux grands distributeurs contestent. «Subito n’est pas destiné à réaliser des économies, mais à faciliter la vie des clients», rétorque Tristan Cerf, porte-parole de Migros. Selon ce dernier, «il y aura manifestement moins de caissières sollicitées à l’avenir, mais pas moins d’employés». Les profils des postes ayant évolué, les caissières jouent désormais aussi un rôle de conseil et assument, en alternance, diverses fonctions, par exemple, au Service clientèle. Un argument avancé aussi par Coop. A en croire sa porte-parole, Andrea Bergmann, les filiales qui ont introduit le SCO n’emploient pas moins de personnel qu’auparavant.
Les deux entreprises affirment qu’il ne s’agit pas, à terme, de remplacer totalement les caisses traditionnelles. «Notre objectif est de réaliser 25% du chiffre d’affaires au travers du système Subito», explique Migros. Chez Coop, on précise vouloir continuer à offrir le choix entre les deux systèmes.
Caisses en baisse
Dans les 198 Coop et les 246 Migros qui ont, pour l’instant, introduit le self-checkout, constate-t-on une augmentation de l’attente aux caisses? L’espace alloué au nouveau système a effectivement entraîné une diminution du nombre de caisses. On pourrait supposer aussi que les gérants en ouvrent désormais moins. Coop répond n’avoir pas fait de mesures sur ce point.
A Migros, on répond que «ce n’est ni le but ni le cas». Subito ferait même gagner du temps à ceux qui restent fidèles aux caisses traditionnelles, en déchargeant les files. Affirmation que nos chiffres ne confirment pas. Il y a trois ans, nous avions mis à l’épreuve le système traditionnel (lire «Moins de deux minutes d’attente à la caisse!», 11/2013). L’attente était en moyenne de 1’28’’ chez Coop et 1’54’’ chez Migros, alors qu’elle atteint désormais 2’48’’ chez cette dernière et reste exactement à la même valeur chez son concurrent. De nouveau, nous nous garderons d’en tirer des conclusions définitives en raison du nombre limité de mesures effectuées.
Sébastien Sautebin
Lire le bonus web: Nos chronos à la caisse et au self-checkout
En détail
Notre protocole d’enquête
Nos mesures ont été prises dans deux succursales Coop et deux magasins Migros situés en zone urbaine du canton de Vaud. Les relevés ont été faits à trois moments différents: 10 h 30, 12 h 15 et 17 h 15, soit une heure creuse et deux périodes d’affluence correspondant à la pause de midi et à la sortie du travail. Dans chaque filiale, et pour chacune de ces tranches horaires, nos duos d’enquêteurs sont passés à quatre reprises toutes les dix minutes, ce qui fait un total de 96 relevés. Ils ont chronométré les temps d’attente simultanément aux stations self-checkout et aux caisses en choisissant ici la file la plus courte en nombre de personnes. Les durées retenues correspondent à l’attente depuis l’arrivée dans l’éventuelle file jusqu’à ce que la caissière saisisse le premier article choisi ou que l’enquêteur puisse le déposer sur la première station libre. Nos mesures ne comprennent pas le temps nécessaire pour scanner les articles, généralement un peu plus long lorsque le client fait toutes les opérations lui-même.